Acheter un bien immobilier en couple à Genève
Ce qu’il faut savoir
C’est merveilleux, ça y est : vous avez décidé d’acheter votre maison ou votre appartement avec votre conjoint ou votre compagnon. C’est un pas de plus dans le projet d’une vie à deux, la pose de fondations solides dans votre relation, peut-être la création d’une famille… Que du positif !
Et même si on souhaite tous que « amour » rime avec « toujours », un couple avisé aura raison d’anticiper les éventuels accidents pouvant survenir afin d’en limiter les effets négatifs et coûteux.
C’est pourquoi, que vous soyez mariés ou en concubinage, plusieurs éléments juridiques, fiscaux et financiers doivent être pris en compte afin d’éviter toute mauvaise surprise en cas de séparation ou de décès.
Alors, avant de signer votre achat chez le notaire et votre emprunt hypothécaire, nous vous proposons de passer en revue les points essentiels à considérer, en collaboration avec nos experts : M. Kevin Rossier d’Hypo Advisors SA pour le volet financement et Maître Frédéric de le Court, avocat-fiscaliste, pour l’aspect fiscal et juridique.
1. Le choix du régime de propriété

-
En pleine propriété :
- La copropriété : Le bien est détenu par plusieurs personnes, chacune possédant une quote-part. Chaque copropriétaire peut disposer librement de sa part (vente, mise en gage), bien que dans la pratique, le partenaire soit souvent le seul acheteur potentiel comme le souligne la chambre des Notaires de Genève.
- La propriété commune (via une société simple).
-
Via un démembrement de propriété :
- Usufruit et nue-propriété : Cette solution permet à une personne (l’usufruitier) de conserver l’usage du bien et d’en percevoir les loyers, tandis que la nue-propriété est détenue par une autre personne (par exemple, des héritiers). La constitution d’un usufruit est souvent utilisée pour protéger le conjoint survivant, lui permettre de rester chez lui après le décès du premier conjoint, respectivement de louer le bien pour financer un placement en EMS.
- Droit d’habitation : Ce droit, plus restreint que l’usufruit, permet à une personne d’occuper le logement sans possibilité de le louer. Le droit d’habitation est souvent utilisé pour protéger un conjoint survivant et lui permettre de rester chez lui après le décès du premier conjoint. Il se limite toutefois à une occupation propre et ne permet pas de louer le bien.
Le régime de propriété choisi doit être indiqué dans l’acte d’achat-vente. Il est donc crucial d’anticiper cette décision en fonction de votre situation familiale et patrimoniale.
Notons également que le logement peut aussi être détenu par un seul membre du couple. Dans le cadre d’un couple marié, le logement est considéré comme le logement familial et le conjoint devra donner son accord en cas de vente. Le concubin en revanche n’est pas protégé.

Quel régime de propriété choisir?
Cela dépend de la nature de votre relation (mariage, concubinage) et de vos objectifs communs. Il est essentiel de bien comprendre les conséquences de chaque régime et, si besoin, d’adapter le contrat de mariage ou de conclure un accord spécifique. Avocat et notaire seront de bon conseil en la matière.
2. Le financement et la répartition des apports

Pour financer l’achat d’un logement principal, prévoyez 25% d’apport en fonds propres (20% exigés par la banque et environ 5% pour les frais d’achat et hypothécaires). Kevin Rossier, expert en financement, insiste sur la nécessité de clarifier les contributions de chacun dès le départ : « L’achat immobilier implique un engagement financier important. Avant de signer, il est crucial de déterminer :
- Qui apporte quels fonds propres ? Il est important de tracer les apports respectifs, surtout si l’un des partenaires investit plus que l’autre.
- Comment sera répartie la dette hypothécaire au sein du couple ? L’emprunt est-il contracté à parts égales ou selon la contribution de chacun ? Qui remboursera quoi ?
- Que se passe-t-il en cas de séparation ? Si l’un des partenaires souhaite conserver le bien, peut-il racheter la part de l’autre et obtenir le financement nécessaire ? »
Pourquoi est-ce important ?
Voici un exemple donné par la Chambre des notaires genevoise, concernant un couple marié sous le régime de la séparation de biens. « Il faut savoir que la loi n’organise pas la séparation de biens: en cas de divorce, il n’y a aucun partage de biens, puisque ceux-ci ont toujours été séparés. L’époux qui aurait contribué à 70% de l’achat du logement en copropriété à parts égales ne profiterait pas de la plus-value éventuellement liée au montant qu’il a avancé pour son conjoint. Il ne récupérerait que le montant nominal de son avance, voire – au pire! – se verrait opposer l’idée que l’avance était en fait une donation, donc non récupérable… »
Différentes solutions permettent d’éviter les futurs litiges :
- Inscription d’une quotité différente dans l’acte d’achat : chacun détient une part correspondant à son investissement.
- Établissement d’une reconnaissance de dette : chacun détient une part égale, mais la différenciation du financement est formalisée par prêt interne.
- Clause de remboursement en cas de revente : elle permet de garantir le remboursement prioritaire des fonds investis, elle va de paire avec l’établissement d’une reconnaissance de dette.
- Rédaction d’un contrat de concubinage ou de mariage : Pour définir la répartition des biens en cas de séparation/divorce ou de décès et éviter toute ambiguïté juridique.

« Ces mesures permettent d’assurer une transparence et d’éviter toute contestation ultérieure. Attention : elles sont traitées de manière différentes par les établissements financiers en cas de souscription d’un prêt hypothécaire. C’est pour cette raison qu’il est important de prendre le temps de discuter de ces points avec son conseiller en financement. » nous précise Kevin Rossier.
3. La fiscalité et les droits de succession

« En ce monde rien n’est certain, sauf la mort et les impôts » affirmait Benjamin Franklin.
Aussi est-il avisé de planifier sa succession. L’enjeu ici est le suivant : permettre au conjoint/concubin survivant de rester dans son logement aux meilleures conditions possibles.
C’est la réponse aux 3 questions ci-dessous qui déterminera les droits du conjoint/concubin survivant et les montants qu’il devra débourser pour pouvoir rester chez lui :
- Qui est propriétaire ? 1 seul membre du couple, les deux, sont-ils mariés, ont-il des enfants ? ont-ils des enfants communs et/ ou des enfants non communs ?
- Selon quelle proportion ? 50-50, au prorata des fonds apportés ?
- Comment ? choix du régime de propriété vu plus haut
Un enjeu crucial pour les concubins
En effet, comme l’explique Me Frédéric de Le Court, « alors que les époux sont considérés comme proches et donc exonérés de droits de donation et succession, tel n’est pas le cas des concubins qui sont considérés comme personnes totalement étrangères (si-si, le fisc ne regarde pas sous la couette!). »
Dès lors, pour les couples non mariés, l’impact fiscal est considérable :
- Donation/succession entre époux (en taxation au rôle ordinaire) : 0 % d’impôt.
- Donation/succession entre concubins : 54,6 % ! d’impôt
Voici 4 cas de figures proposés par Me Frédéric de le Court pour illustrer les coûts et les économies propres à chaque situation pour un couple de concubins dont le domicile est à Genève.

On constate sans équivoque que le 4e cas présente les plus gros avantages financiers :
→ Économie par rapport à la solution classique 50-50 en pleine propriété : CHF 409’500 + conservation assurée du logement
→ Économie par rapport à la solution classique 50-50 en pleine propriété + dédommagement des enfants : CHF 659’500 + conservation assurée du logement
Ces calculs démontrent bien que, sans planification adaptée, un concubin survivant risque de devoir payer une somme très élevée pour continuer à vivre dans son logement. Au vu du coût prohibitif, arrivant le plus souvent au grand âge lorsque les rentrées financières se font plus rares, il est impératif de réfléchir à mettre en œuvre l’une des options évoquées plus haut.
Conseils pour les couples mariés
Les droits de succession étant nuls, c’est sur la question du droit d’habiter et de disposer du bien qu’il convient de se pencher, surtout si le défunt avait des enfants qui héritent du logement. C’est ce que nous le détaillons ci-dessous.

« Toutes ces questions doivent être posées lors de l’acquisition, avec l’aide d’un conseiller rompu à ses questions. » nous précise Me Frédéric de le Court Les honoraires investis pour structurer l’achat permettent au final des économies massives.
4. Prévoir une protection en cas de décès

Un achat immobilier est un engagement à long terme. En cas de décès ou d’invalidité, il est essentiel de prévoir des solutions pour protéger le conjoint / concubin survivant et notamment lui permettre de :
- rester chez lui
- avoir de quoi vivre
Pour éviter des difficultés financières ou successorales, on peut prévoir les éléments suivants :
- Assurance-vie: elle permet de rembourser tout ou partie du prêt.
- Usufruit ou droit d’habitation: différences exposées plus haut
- Rédaction d’un testament : pour attribuer sa part au conjoint survivant. Mais attention aux réserves héréditaires des enfants – communs ou non communs – qui peuvent contraindre le conjoint/ concubin survivant de compenser les héritiers réservataires au-delà de ses moyens financiers du moment. Le but souhaité ne serait alors pas atteint.
5. Peut-on régulariser la situation après l’achat ?

Me Frédéric de le Court souligne l’importance d’anticiper ces questions avant l’achat :
« Changer après l’acquisition, c’est trop tard : il y a des frottements fiscaux (droits de mutation, gains immobiliers, droits de donation, etc.) qui rendent la correction prohibitive et donc illusoire. Les héritiers légaux pourraient aussi y trouver à redire en cas de donation qui léserait leur réserve légale. »
Il est donc fortement recommandé d’anticiper ces questions mais, si cela n’a pas été fait, prendre conseil peut toujours être utile. M. Kevin Rossier encourage aussi à envisager la création d’une assurance-vie. Et la rédaction d’un testament, avec l’aide d’un avocat et d’un notaire, est un must.
Conclusion
Nous l’avons vu : acheter un bien immobilier en couple à Genève nécessite une bonne anticipation des implications juridiques et financières. Une structuration rigoureuse, accompagnée des conseils d’un expert en financement et d’un avocat spécialisé ou d’un notaire, permet d’éviter de lourdes conséquences en cas de séparation ou de décès. Et il vaut mieux s’y prendre avant de signer l’achat de votre logement.
Besoin d’un accompagnement personnalisé ?
Nous sommes à votre disposition pour vous conseiller et sécuriser votre investissement.
A propos de nos experts

M. Kevin Rossier : Hypo Advisors SA, active en Suisse Romande, est une société spécialisée dans le conseil hypothécaire et prévoyance offrant des solutions personnalisées pour le financement immobilier. Kevin Rossier, ancien cadre du Credit Suisse, l’a fondée en 2016 après s’être spécialisé durant plus de 10 ans dans le domaine des financement immobiliers pour les particuliers et les professionnels et de l’immobilier.
Contact: contact@hypo-advisors.ch | + 41.22.347.24.24 | LinkedIn

Maître Frédéric de le Court est avocat-fiscaliste à Signy (Vaud). Avec plus de 15 ans d’expérience en matière de fiscalité, il est également conférencier et auteur de diverses publications notamment en matière de fiscalité immobilière.
Contact : fc@dlctax.ch | +41.22.552.79.00 | LinkedIn